SUR LA SUCCESSION - Biblioteca Virtual Miguel de Cervantes

AU MEMOIRE
PRESENTÉ A LA CO€R DE BERLÍN PAR M. ZEA
BERMUDEZ.
ECLAIRCISSEMENS
SUR LA SUCCESSION
A LA COURONNE D'ESPAGNE.
IMPRIMERIE-LIBRAIRIE DE G-A. ÜENTü,
Palais-Royal, galerie vitr¿e, n° 13,
ET KOE SEl BEiüX-ARTS, K°< 3 ET 5.
JUIN
i83g.
1
PARÍS, IMPRIMERIE DE G.-A. DENTÜ,
rae des Bcaux-Arts, n°' 3 et 5.
Cello Reponsc au Mémoire de 31. Zea m'a élé
cnvoycc de Madrid-, son auteur cst un EspagJiolqni
:i oceupé de hautes fonctions dans la magistratura,
jusqu'á la morí de Ferdinand. On comprendra facilement pourquoi il n'a pas publié son ouvrajje en Espajjne, et les motifs qui le forcent h {jarder l'anonyme. «Tetáis invité á faire donner une autre forme
a la rédaction de cet ouvragc, mais, craijynant que
les idees de l'auteur ne fussent altérées, j'ai préfe'ré
le publier tel que je l'ai recu. Les lecteurs voudront
bien se rappeler que l'auteur écrit dans une lanjjuo
qui n'est pas la sienne, et auront de l'indulgence
pour les fautes de lang-ajjc qu'ils pourront rcmarquer.
DENTV.
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r
Nous sommes d'accord avec l'auteiw de ce Me'moire, quand il dit que l'Espagne a e'te' inonde'e de
sang á l'avénement de la maison de Bourbon au
troné espagnol, au commenceraent du siécle dernier, lorsque la succession était dispute'e par les
droits des femmes, a de'faut absola d'enfans males.
Nous ¡miterons M. Zea, en laissant de cóté les
projets qu'on forma par le méme raotif en 1698 et
1699 pour le partage du territoire espagnol, et nous
nous bornerons seulement á suivre M. Zea dans
son récit.
Il aurait dú diré que les femmes ont monte sur
le troné, accompagnées des divisions intestines, les
qnatre fois que la nécessité for^a les Espagnols a
les admettre pour reines. L'histoire des temps les
plus anciens ne nous offre aucun vestigc des hor-
(6)
reurs commises alors, qui puisse étre assimile á
celles comrnises actuellement par les partisans de
la ligne fe'minine.
Ceux-ci ont commence' la campagne par faire une
guerre á mort, tuer les meres, les femmes et méme
les enfans de ceux qu'on croyait opposés á leur
parti; ils les ont jete's en prison ou dans les bagnes
sur tous les points de la monarchíe, puisqu'il n'y
en a pas un seul oü ¡1 n'existe des personnes exile'es; ils ont assassine' les ministres du cuite dans
Jeurs temples et dans leurs couvens; ils ont incendie' leurs sanctuaires ; ils ont banni de leur patrie,
en s'emparant d'abord de tous leurs biens, toutes
les familles qui aváient des parens dans l'armee du
partí contrairc ; ils ont assassine' des prisonniers qui
croyaient n'avoír rien á craindre sous la sauvegarde et la garantie d'une capitularon; ils ont viole'
les lois fundamentales, et iis ont foule' aux pieds
tous les principes conservateurs de la sociéte': voilá le
tableau que nous of'fre le partí que M. Ze'a repre'sente.
II est vrai que l'Espagne a ses lois fundamentales,
mais il ne l'est pas que ses ¡oís soient perdues dans
l'obscurité des temps; elles se trouvent e'crites depuis le régne du roi JEurico, c'est-a-dire depuis le
cinquiéme siécle. Les cabinets e'trangers qui, selon
M. Ze'a, sont des gardiens se'véres de la le'gitimite',
ees cabinets, dis-je, les connaissent, et ils auront
remarque' que le Me'inoire de M. Ze'a n'est pas
exact, et qu'il n'est nullement conforme aux prin-
(7)
cipes que ees mémes lois établissent. Nous remonterons, avec M. Zea, au berceau de la monarchie, et
nous y trouverons les lois du Fuero juzgo ou Líber
judicum, c'est-a-dire le Code espagnol, córame il a
até. re'dige' dans le septiéme siécle , et comme il a été
transmis et observe' jusqu'a nos jours. Les dix-neuf lois
du titre premier marquent la maniere et la forme de
faire l'dlection des róis, les devoirs de ceux-ci,
leurs sermens et leurs garanties. La loi deuxiéme
e'tablit que le roi doit élre <Üu la oü son prédécesseur a cessé* d'exister, avec l'avis des é'vé'ques, des
ricos-hombres et du peuple. La huiliéme loi ajoute
que, pour étre élu roi, il faut étre hijodalgo, de
bonnes moeurs, et «Hre ¿lu par les e*véques, par les
Gotb's majeurs, et par tout le peuple.
Parmi les peines établies alors contre celui qui
oserait monter au troné sans avoir res conditions,
il y a celle de le faire entermer pour toute sa vic
dans une forteresse, aprés avoir eté de'gradé" de
toutes ses dignités. C'est l'expression de la loi cinquiéme, titre premier, livre premier.
En vertu de ees lois, les rois furent élus, et succe'dérent au tróne ; dans les élections, on avait toujours des e'gards aux qualités des personnes. C'est
pourquoi Recesvindo fut le compagnon de son pere
Chindasi'indo. Wamba abdiqua en faveur d'Ervigio,
et celui-ci en faveur d'Egíca, afin qu'il e'pousát sa
filie; mais tous ees rois dureat leur couronne a l'élection nationalc. M. Zea commcncc par Al-
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phonse I", et pre'tend qu'il monta au troné par le
droit de sa femme; cela n'est pas exact. La nation
accorda a Alphonse Ier le droit de re'gner á cause de
son mente, et par l'influence de sa tante, et la
méme chose arriva a Silo. M. Ze'a aurait dü ajouter
la proposition quefit Alonso (le-Chaste) aux cortés,
pour que Ramiro lui succedát; celui-ci demanda
pour compagnon Ordono I"; les cortés de Le'on
de 913 ¿lurent Ordono II, en se stfparantde laligne
directe de García, son prcdécesseur. En 924, le ro¡
Fruela II, dé'ce'de, son frére Alonso lui succe*dar
quoiqu'il laissát trois fil.s legitimes. A Alonso succéda son propre pére, et non pas ses neveux, qtii
c'laient Gis de Fruela. A Ordono III succé'da son
frére Sancho, et non pas un fils qu'il avait. Quand
on lit les protestations de bonne foi et d'impartialité' que fait M. Ze'a dans son Mémoire, on devait
croire qu'il n'aurait pas passé sous silence des circonslances aussi marquantes dans l'ordre de succession.
Ce n'e'tait pas en 739, comme le dit M. Ze'a, que
la couronne de León et des Asturias e'tait hére'ditaire; les faits que nous venons de citer l'expliquent
assez clairement; l'he're'dité ne se presente qu á l'e'poque du roi Bermudo. En I O I 3 M. Ze'a nous présente Dona Sancha, sceur du roi Bermudo III, qui
était l'unique rejeton de la famille re'gnante, comme
reine, car autrement, dit M. Ze'a, le troné restait
vacant. L'ide'e seule de voir une femme préte á
(9)
monter sur le tróne de L«?on et des Asturies, produisit deux guerres sanglantes. Le roi de Castille
commenca contre celui de León, sur lequel il gagna
divers villages. La paix fut faite ensuite, sous la
condition que ees villes perdues devaient étre la dot
de Sancha, soeur de Bermudo, et que celle-ci épouserait Ferdinand, fils du roi de Castille. Les deux
beaux-fréres renouvelérent la guerre, dans laquelle
mourut Bermudo. A la mort de celui-ci, ses sujets
ne voulurent point reconnaitre ni sa soeur Sancha
ni son mari Ferdinand, qui entra á Léon par une
capitulation. Les champs de la Castille furent inonde's de sang la premiere fois que se pre'senta une
femme pour monter sur le Iróne. Voila les fruits
produits par le de'faut des males. Les royaumes
de Léon et des Asturies furent conquis, et non
pas he'rite's.
M. Zea dit encoré qu'Alonso VI, au lit de mort,
re'unit a Toledo les Etats, et qu'il fit proclamer sa
filie Dona Urraca. Les États n'ont pas pu étre convoques , parce que les procuradores á cortés ne furent
pas appele's. Ce furent seulement quelques personnes
qui se trouvaient a la cour du roi, qui furent re'unies, mais non pas les Etats. Voila comment les faits
différent entiérement, et ils ne sont plus les mémes.
Dona Urraca était la seule personne qui restait de la
descendance delafamille royale; elle futappuyéepar
le parli qui lui conseilla d'epouser le roi d'Arragon,
mais elle rencontra grande opposition dans la ma-r
jorite' de la nalion. Apres avoir inonde de sang sa
patrie, la guerre se termina en proclamant pour
roi, a l'áge de onze ans, Alphonse VII, premiérement la Galicc, et plus tard toute la nation, en le
faisant monter sur le troné, et en lui confiant la direction du gouvernement. Voici la seconde femme
qui monta sur le troné á de'faut absolu de mále , et
voici aussi la seconde guerre civile.
Berenguela ¿prouva le méme sort. La nation se
divisa en factions ; mais ayant convenu la majeure
partie de procIamerFerdinand,ilsaccordérent qu'un
des partís nommerait dona Berenguela , laquelle devait renoncer á ses droits, comme elle le fit, en faveur de sonfils Ferdinand. Ce futalors que les deux
partís le proclarnérent sous un chéne, et la guerre
civile fut terminée. Cette reine fut la troisiéme femme
qui devait devenir heritiére, á de'faut absolu de mále,
et qui causa la troisiéme guerre civile. Alonso IX ,
mari de Berenguela, nomina pour ses he'ritiers et du
royaume ses deux filies du premier lit, Sancha et
Dulce; mais les cortés de'clarérent nulle cette nomination, et elles soutinrent la proclamation de Ferdinand III.
M. Ze'a marque que les cortés reconnurent Ferdinand, fils aine' d'Alphonse X, et qu'étant mort, Sancho son frére fut de'clare' son successeur á Ja couronne. Le peu d'exactitude de la part de M. Ze'a,
relativement a la haute dignite a qui il adresse l'ecrit, pourra élre considere comme vous voudrez, et
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C" )
semblera nous donner Y opinión que les faits ñau*
raient pas dü étre défigurés ou obscurcis.
M. Zea n'a pas pu lire ce qu'il a écrit sur ce fait,
sans avoir préalablement lu ce que nous allons exposer. Ferdinand, fils d'Alonso X, reconnu béritier
du tróne, laissa deux enfans legitimes, Alonso et
Fernando, dont l'ainé avait droit a la couronne a la
inort de son grand-pére, par droit de succession.
C'est pour cela que son petit-fils Alonso reclama, dans
les cortés de Sé'govie de 1276, son droit, faisant
connaitre qu'il était le seul successeur legal. Le troisiéme fils d'Alfonso X lit aussi sa réclamation dans
les mémes cortes, exposant que son pére ayant désbérédité son frére Sancbo et l'ayant maudit, la couronne lui revenait de droit. Les cortés décidérent
que la couronne füt dévolue a la ligne cadette de
Sancbo, sans avoir égard a la ligne ainée, parce
tju'elles supposérent que cette decisión convenait
davantage aux intéréts de la nation. Voici encoré une
seconde omission bien remarquable. M. Ze'a oublie
aussi que Constanza, filie ainée du roi Pedro, fut reconnue et proclamée béritiére du tróne aux cortés de
Bribiesca de 1363. Avant la mort de ce dernier, les
cortes de Burgos, reuniesen i366, annulérent ladite
proclamation, etreconnurent comme roi Enrique II,
en laissant de cote trois filies de Pedro, etlui-méme.
Cet événement, et les résultats qui en furent la
conséquence, qui nc se tronvent pas indiques dans
le Mémoirc auqucl nous répondons, est un des
plus importans dans la question qui s'agite pre'sentement, soit á l'e'gard de l'histoire civile, soít á IVgard de l'histoire législative ; il fit couler des flots de
sang diverses foís. Les cortés soutinrent avec ferraeté le príncipe national favorable aux males, malgré les pre'tentions de diverses lignes fém mines, qui
réclamaient le droit de succession ; et on remarquait
deja, parmi ees derniéres, un mále qui appuyait luiméme leurs pre'tentions. Les procuradores, cependant, imbibe's dans les idees nationales, et faisant
droit á lajustice, écoulérent les plaintes de la nation,
consullérent les inteYéts de la communauté. et conseillérent tout ce qui e'tait utile pour la noére -patrie.
M. Zea et ses collégues auraient dü prendre pour
modele le dénouement de cette reconnaissance; et
s'ils l'eussent fait ainsi, l'Espagne ne se trouverait
pas á présent ravagée par les horreurs de la guerre
civile. La filie du roí D. Pe'dro recut á la fin, en quaJite d'infante, des pensions alimentaires; sa niéce
e'pousa Enrique III dans sa minorite', non pas par la
reconnaissance de sa mere, non pas par droit, mais
uniquement comme le moyen le plus á propos pour
e'pargner le versement du sang et pour maintenir Ja
nation en paix.
M. Ze'a dit que les cortés refusérent de reconnaítre
la filie d'Enrique IV:; mais cela n'est pas exacf. Juana, filie d'Enrique IV, fut reconnue et jure'e comme
he'ritiére au troné par les cortés ge'ne'rales re'unies a
Madrid en 1462. M. Ze'a aura sans doute lu le dis-
( ,3)
cours prononce' á cette occasion par le roi Enrique IV, car il est une des piéces les plus communes
des cortés espagnoles. Cette proclamation ne fut pas
bien recue de la nation, á cause qu'il existait encoré
Alphonse, frére duméme roi. Pourapaiserlestroubles
et afind'obtempérer aux lois fundamentales, ce roi reconnutpourson successeur sonfrére Alonso, á Cabezón, le 4 septembre 1464-Le roiditdans son ordonnance : « Je de'clare que la succession legitime de mes
« royaumes appartient, comme de droit, a mon frére
« Vinfant don Alphonse, et non pas a aucune autre
« personne
C'est mon plaisir et ma volunté que
« ledit infant mon frére soit des a présent appelé et
« sumommé dans tous mes royaumes mentionnés,
« comme prince amé et héritier des mémes. » L'ordonnance prescrit aussi aux grands, aux prélats, aux
ricos - hombres, aux gentilshommes et aux députés
d«s villes, de préter serment audit prince et de le
reconnaitre, et elle finit par diré « qu'elles offrent
« de s'occuper et de tácher que ledit prince don
« Alphonse, mon frére, épouse la princesse dona
« Juana (c'est-a-dire la filie du roi), et qu'ils ne tá« cberont ni permettront qu'il épouse une autre prin« cesse , ni elle un autre prince. » Telle est la conduite qui aurait pu servir d'exemple aux partisans de
M. Zea pour travailler en faveur de la mere-patrie.
Une conduite pareille aurait fait honneur a la previsión et aux connaissances de ses auleurs, aurait
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( M)
re'uni les esprils qul n étaient pas encoré exalte's, aurait empéclie' les divisions inte'rieures, aurait barre' le
chemin á la re'volution, en consolidan!, la felicite de
la palríe. C'est cette base qu'aurait dü adoptcr la
junte re'unie au chatean de Madrid, le 3i de'ccmbre
1832, quand le roi Ferdinand fut obligó de jouer
un role si ridicule , de se re'lracter de tout ce qu'il
avait dit pour sanctionner la guerre civile.
Le prince Alonso cessa de vivre peu de temps
aprés avoír été reconnu; el des que sa reconnaissance eut lien, Isabelle sa soeur s'occupa d echauffer
les esprits, d'allumer le brandon de la discorde, et
de conspirer directement contre le roi pour se voir
place'e sur le tróne. Elle, aussi bien que les grands
et les pre'lats, ses partisans, certifiérent cette ve'rite
dans la capitulation céle'bre'e en i468, dans laquelle
on forca le roi Enrique á reconnaitre ladite princesse
Isabelle pour premiére he'ritiére. Le roi, place' dans
le dilemme de se démettre de la couronne ou de reconnaitre sa soeur, jugea qu'il pouvait attaquer d'une
maniere indubitable la nullite' de cet acte, en y exprimant les raisons et la justice qui luí assistaient
pour l'octroyer.
La capitulation conclue en iJ+68, entre le roí E n rique IV et les re'volte's, dont Je chef, les armes a la
main, e'tait la soeur de celui-lá, commencait ainsi:
« Premierement, attendu que pour le bien, la paix
« et la tranquillite' de ees royaumes, et pour e'viter les
<( guerres, les maux et les divisions qui y existent ;»
« présent et (¡ui pourront exisler a 1 avenir
, il a
« plus a Son Altesse (le roi) de donner son assenti« raent et son autorité pour que sa soeur Isabelle soit
c< intitulée , jurée , nommee , appele'e et euc pour
« princesse et sa premiére héritiére á la successiou
« du tróne. » Quand le roi reconnut en i4^4 s o n
frére Alonso, il dit : «Je declare que la succession
« appartient a mon frere; » mais quand il reconnut
sa soeur, en i468, il basa sa reconnaissance sur des
motifs tres-importans, lesquels le forc,aienta donner
son assentiment pour que sa soeur fút reconnue.
«Pour le bien, la paixetla tranquüliie, et pour éviter
les guerres, les maux et les divisions existantes et
celles qu'il pre'voyait pour l'avenir, » il dil, non pas
qu'il de'clarait que la succession appartenait a sa
soeur, mais bien qu'il donnait son assentiment pour
qu'elle fut reconnue comrne premiére héritiere.
L'expression de premiére héritiere parait indiquer
qu'il pre'fe'rait sa soeur á sa filie, qui dans ce cas restait conside're'e comme seconde be'ritiére.
On avait stipulé qu'Isabelle serait en tout d'accord
avec le roi son frére, etqu'ellene se marierait pas sans
son assentiment formel. A défaut d'exécution, dit la
capitulation, restaitnulle la convention faite en vertu
de la sublevation qui, d'aprcs la méme capitulation,
« commen^a le jourde la Santa-Cruz de septembre de
« l'année passée i464- " Isabelle se maria sans l'assentiment du roi; elle stipula avec son mari qu'elle
C 16 )
ne ferait la moindre concessíon sur ses droits á Ja
succession, et qu'elle occuperait le tróne de Castille.
D'aprés Je fexte de cette méme capitulation, elle
perdít son droit qui Juifut octroye', dans le cas méme
que celuí-ci aurait pu avoir quelque valeur légale.
Voici la base solide et indestructible oü est si rigoureusement appuye' Je prétendu droit des femmes
a Ja succession de Ja'couronne. Une permission pour
reconnaítre, arrachée par quatre ans de révolulion et
de sang et par Ja forcé des baíonnettes, est Ja Joi
qui nous présente lalégitimitéd'lsabelle. La, on préfe'rait par la violence Ja soeur a la filie ; et ici on
prétend, par Ja méme violence, que Ja fiJle soit préférce au frére. Si Enrique n'eút pas permis qu'on
reconnüt Isabelle, il aurait été détróné sans doute;
mais il aurait ve'cu plus long-temps probablement,
et nous ne douterions encoré s'il cessa de vivre naturellement.
La question de succession entre la soeur et Ja ílJJe
du roí, puisqu'il n'y avait pas aucun enfant mále,
fut vide'e par des magistrats integres et seVeres,
c'est -á - diré les bai'onnettes. Celui qui en a en Jes
meilleures et les plus nombreuses entra le premier
dans Ja jouissance de tous les droíts. Napole'on entra
aussi de la méme maniere. Des re'bellions ope're'es
avec succés sont Jes titres sacre's des droits imprescriptibJes qui servent d'appui aux de'fenseurs des
femmes.
• Les cessions que fit Enrique d'une partie du fer-
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riloire Vasque, occasionna la ne'cessité impérieuse
oü il se trouva de souscrire a lacapitulation.il rompit
pour la seconde fois le serment fait en Viscaye pour
linte'grité et l'indépendance du territoire : par celte
raison, les Basques lui niérent l'obe'issance, et instituérentpour son successeur, vivant encoré le roi, sa
stEur Isabelle. Cette dignité lui ouvrit le chemin pour
monter sur le troné. A la mort du roi, on laissa aux
armes le soin de discuter et d'établir le droit de
succession entre la soeur du roi et sa filie. Apres
avoir versé beaucoup de sang, les Basques, qui aujourd'hui soutie.nnent la légitimité et leurspriviléges,
notamment les Guipuscoains, déciderent la question en faveur d' Isabelle , en remportant la bataille
de Toro, avec quoi elle resia maítresse du troné. La
dispute était alors entre la filie du roi et sa soeur. La
forcé, et non pas le droit, fut celui qui decida la
question. Cet exemple se trouve en opposition avec
ksdésirsdeM.Ze'a. Si Alphonse,frére d'EnriquelV,
eut la préférence sur la filie de celui- la , il semble
que Charles, frére de Ferdinand VII, devrait étre
de la méme condition pour M. Ze'a. Voilá, a défaut
de mále, la quatriéme femme et la quatriéme guerre
civile dans laquelle le sang fut répandu, et dans
laquelle plusieurs malheurs s'ensuivirent. M. Zea
fait une digression sur la reconnaissance des filies
d'Isabelle, quelui-mémefaitdisparaitre aussitót aprés
la naissance d'un prince ; ainsi lui échappa ce qu'il
aurait voulu taire ;cest le résultat(Jesmauvaises causes.
M.Ze'a connaitbien que Sancho IV, ligne cadette,
•eut la préférence sur ses neveux los Cerdas, íils de
son frére ainé, malgré qu'il füt deja reconnu par les
cortes. Enrique I I , ligne cadette et bátarde á la fois,
eut la pre'fe'rence sur Constance par la nation, malgré que celle-la eüt cté reconnue par les cortés
comme filie aine'e de son frére Pe'dro. Alonso, fri-re
d'Enrique IV, fut préféré a sa niece Juana , filie du
roi son frére.
II n'y a pas un seul fait national par lequel soit
prouve' que les femmes aient succe'de' au troné, lorsqu'il y a eu un prince mále dans la famille royale.
Lépoux d'Isabelle est le seul qui se soit trouve' dans
le cas susmentionné , malgré le silence de M. Zea.
U est pourtant vrai qu'il n'était pas un prince n é ,
encoré moins elevé, en Castillo, iríais dans l'Arragon; il est cependant hors de doute qu'il était compris dans le quatríéme degré. II fut fidéle a ce qu'il
avait promis á sa femme Isabelle lors de son mariage, et ne fit point la moindre réclanaation. Ce fut
par les armes que cette loi fut faite et promuíguée, et
la sage et prudente législation du plus fort dépouilla
la filie du roi et préféra la sceur. Cette decisión n'est
nullement favorable á la cause que M. Zea semble
proteger.
II est done prouve que les femmes n'ont jamáis eu
la préférence sur les males, quelle que fut la branche
a laquelle ceux-ci appartenaient: telle est la loi successionale depuis le commencement de la monarchie»
( '9 )
M. Zea ne se croyant pas suflisamment appuyé
de la table chronologique qu'il a arrangée a son gré
et plaisir sur. la succession des femmes, s'en rapporte a la Constitution de Cadix de 1812 , parce
qu'elle arrangeait la succession telle qu'il la veul aujourd'hui. Cette Constitution fut faite par des individus sans mission et sans representaron ; la loi
électorale ne fut en aucune maniere observe'e, pas
méme par les villes qu'ils voulaienl représenter. lis
se nommerent eux-mémes a Cadix, car lélectioii
était impossible : les troupes de Napoleón avaient
envahi l'Espagne; leur mission élail de les en chasser et de préter appui au gouvernement. lis prétérent
serment d'agir de la sorte en méme temps que de
garder fidélité á leur souverain Ferdinand VII; leur
premier pas fut le parjure, car ils se déclarerent euxmémes souverains et méme despotes. lis confirmérent dans leurs places les membres du conseil de
régence qui les avaient appele's et qui exenjaient le
pouvoir exéculif; ils firentde méme al égarddes employés qui ne dépendaient que du gouvernement, et
absorbérentles attributionsde louslespouvoirs, qu'ils
voulurent exercer a l'instar de la Porte - Ottomane ;
bouleverserent tous les principes nationaux, aussi
bien que les formes conservatrices. C'est par cette
raison, comme M. Zea prélend tres-bien , que la
Constitution des corles ful deux fois promulguée el
deux fois anéantie. C'est bien étrange qu'il veuille
s'appuyer sur les trois articles de la succession a la
Anterior
Inicio
v.,-.
Siguiente
( * > )
couronne ; cela sera peut-étre qu'il le considere utile
aux fails qu'il a entrepris de prouver. Voudrait-il,
dans sa logique, que ees lois fussent a la fois existantes et annulees? Nous ne croyons pas que ce soit
par oubli qu'il ait omis de nous parler de la troisiéme annulationplusmoderne etplus importante que
les deux ante'rieures dans l'affaire qui nous oceupe.
Un sergent de la garde de la veuve de Ferdinand
obligea celle-ci a la Granja, dans l'annee i 8 3 6 , a
faire publier la Constitution de 1812, ce qui fut fait
selon qu'il l'avait de'siré. L'ambassadeur qui dans ce
moment - ci est a Londres, et celui qui élait alors a
Paris, se refusérent a obtempe'rer aux ordres de Sa
Majeste, ce qui leur procura les honneurs de la proscription. M. Ze'a ne peut pas ignorer les manieres
polies et engageanles qui Jurent employées envers
Sa Majesté, comme aussi T épithete aimable qui luí
fut adressée. Peu de jours aprés la prornulgation de
cette Constitution, plusieurs de ses árdeles furent
annule's; et en 1887 elle fut tout á fait abolie par
ees mémes auteurs, qui en apportérent une nouvelle.
On n'y fit aucune mention des trois articles indiques,
qui parlent de la succession á la couronne. Le méme
gouvernement, pour lequel M. Ze'a semble agir, pulvérisa et detruisit ees trois inte'ressans articles ; et
M. Ze'a parle des articles 174 e t X7^» e t garde le
plus profond silence sur le i ? 5 , en vertu duquel une
auguste personne se trouva de'pouille'e de ses droits!
Enfoncc' dans le profond labyrinthe oü il s'est en-
(ai)
gagé pour confectionner son Mémoire, M. Zea se
débat d'une maniere bien extraordinaire pour en
sortir; et cela si maladroitement, qu'il s'y perd chaque fois plus.
Continuons l'analyse de cet assemblage d'inconséquences que nous présente la brochure que nous
voulons réfuter. M. Zea veut que la loi de Philippe V
soit tout á fait nulle, pour que de cette maniere puisse
avoir droit á la couronne, selon lui, la filie de Ferdtnand; et malgré qu'il n'existe aucun fait de cette
nature dans toute la chronologie des rois d'Espa*gne, tnais plusieurs contre , il dit que la loi dont
nous parlons est tout á fait nulle , parce que , voulant lui donner apparence de légalité, le roi soumit
l'affaire au conseil de Gástale, dont la majorUé lui
fut contraire. M. Zea suppose ce qui n'existe pas,
et dit ce que bon lui semble. Dans les archives existe
le proces-verbal qui fut rédigé a ce sujet; mais en
youlaut méme accorder a M. Zea qu'il y eút quelque
dissentiment rparmi les membres , les opinions des
assesseurs du roi (car tel est le ñora que nous pou\ ons donner aux conseillers du roi) n'influent directement ni indirectement dans la composition d'une
loi qui doit étre discutée par les cortés. Ceci est vouloir méconnaitre ou masquer la législalion espagnole. M. Zea doit savoir quelle est l'institution du
conseil de Gastille, lequel soumet sa decisión au roi,
qui l'approuve ou s'en ecarte. L.'opinión du conseil
est simplement consultalive dans les affaires cónsul-
tatives ; eHe ne signifie ríen dans l'ordre le'gal. Mais
accordons encoré une fois á M. Ze'a ce qu'il suppose, quoiqu'il existe des documens qui prouvent
bien le contraire.
Le roi ne voulut pas se conformer á l'avis du
couseil; il n'y existe done aucune nullite'. Le conseil, ou bien soit les auditeurs que don Juan nomina,
aussi bien que íes successeurs, ont eu, jusqu'á ce
que le gouvernement de M. Ze'a les détruisit, l'obligation de donner leur avis au roi dans toutes les
affaires qu'il soumeltait á leur opinión, aussi bien
qu'ils avaient la faculte' de juger les procés civils et
criminéis. La loi e'tait forme'e par la pétition des
cortés et par la sanction du roi; et quoiqu'on consultait le conseil, on n'était pas oblige' de se conformer avec son avis. M. Zea insére, pour confirmer
son assertion sur la nullite' de la loi de i y i 3 , l'avis
donne' par les e'véques Je 7 octobre 1789, classant
ses documens comme irre'fragables. Les e'véques
disent que, ses pre'de'cesseurs n'ont pas e'té consulte's
sur la loi de Philippe V, laquelle fui simplement
publiée par les cortés sans avoir e'té düment examiae'e, comme le cas parait l'exiger. M. Ze'a affirme
textuellement tout le contraire de ce que disent les
e'véques, car il dit : «Le droit et la gravite' de la
« mesure l'exigeaient impe'rieusement; on n'en fit
« rien ; les cortés ne furent pas appele'es.» M. Ze'a
assure que les cortés ne furent pas appele'es, et les
evéques disent, pour le contraire, que la loi de
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1713 fut publiée par les cortés. Voici une belle maniere de défendre son parli. M. Zea dit encoré :
« Les lettres de convocation ne furent pas expédiées;
« il n'y avait pas d'électionde de'putés par les muni« cipalités, villes et communes, et ayant droit. On
« se contenta d'ordonner que les pouvoirs fussent
« envoyés a d'anciens diputes qui se trouvaient a
« Madrid, et dont le vote, gagné d* avance, ne pou« vait étre douteux. » II nous dit, d'une part, qu'il
n'y eut pas de cortes; il nous assure, d'autre, qu'on
n'expe'dia point de lettres de convocation, que les
de'putés ne furent pas élus par les municipalités, et
fmit par diré qu'on donna des ordres a ees mémes
municipalités pour que les pouvoirs fussent donnés
aux anciens députés, dont les votes étaient gagnés.
II est bien difficile de comprendre pourquoi on voulait gagner les votes quand les cortés ne devaient
pas se reunir, et on comprendra beaucoup moins
encoré comment on ordonnait d'envoyer des pouvoirs a des personnes déterminées, sansles ordres
préalables et sans la convocation des cortés; et
comment peut-on assurer qu'il n'y eut pas d'élection, quand on dit que cette méme élection tomba
sur des personnes déterminées ? On trouve rarement
autant de contradiction dans si peu de mots; il
n'est pas probable que le choix tomba ou qu on
voulut gagner les votes pour les anciens députés,
car il n'est pas croyable qu'ils restassent a Madrid
trois ans et demi dans le seul bul d'attendre a étre
gagne's par le gouverneínent pour assister aux cortés
de 1712 ; et cela parait plus incroyable encoré, si
on considere que tous ees d¿pute's avaient des proprietas dans le* provinces, oü leurs obligations et
leurs propres inte'réts les appelaient. Personne n'ignore que les procureurs des provinces d'Arragon
assistérent pour la premiére fois aux cortés avec
ceux de Castille, quand elles se réunirent á Madrid
le 5 novembre 1712, tandis qu'ils n'assistérent pas
aux cortés assemble'es á Madrid en 1701 et 1709,
oü furent seulement présens les procureurs de
Castille. Les provinces d'Arragon cé'le'brérent ees
cortés á Barcelonne en 1702. La couronne d'Arragon n'admettait pas de femmes dans l'ordre de
succession, et sa population se formant d'une quatriéme partie de toute l'Espagne, il parait que ses
lois ne devaient pas étre meprisées.
Les évéques étaient consulte's sur les pe'titions des
cortés, qui en re'fe'raienl á eux, car autrement, quoique Ion observe que quelquefois ils donnaient leur
avis dans les siécles derniers, ce n'e'tait pas comrne
repre'sentans des cortés, raais seulement comme des
employe's du gouvernement. Le roi e'tait done l'arbitre de les appeler ou non. La loi e'tait faite par
les cortés avec la sanction du roi; c'est de cette
maniere le'gale qu'on forma, dans les cortés de Valladolid, Ja loi proprose'e par les procureurs des
viUes pour exclure de son sein les pre'lats, les grands
el les ricos-hombres, et cette loi fut approuve'e et
(a5)
exécutée. Le roí appelait quelquefois les évéques
pour leur demander leur avis. L'ambassadcur anglais, comtedeLexington, fit parta sa cour, en 1712,
d'avoir accompagné le roi Philippe V quand il se
presenta aux cortés espagnoles. L' ambassadeur anglais
vit sans doute ce qui n'existait pas, et par conséquent
il réva le fait qu'il communiqua a sa cour. II n'y a
rien de plus convenable, pour gagner une question,
que de répudier avec fermeté tout ce qui ne plait
pas.
II est bien étonnant qu'ayant examiné , apres la
maladie de Ferdinand et pendant le gouvernement
de sa femme Chrisline, tous les actes-des cortés,
commc le dit M. Encina Piedra, ministre des finances, et collégue de M. Ze'a, dans un ouvrage
publié á París en i836, celui-ci n'ait pas publié les
piéces qui prouvaient la non reunión des cortés
de 1712 et 1713. II était bien temps de détromper
la nalion. M. Zea aurait du empécher les horreurs
qui sont survenues. II n'est pas digne d'un président
du conseil des ministres de se taire quand il aurait
dü parler, et de venir aprés six ans passés nous
faire des contes, en niant sans reserve tout ce qui
ne lui est pas favorable, et en laissant de cóté les
vérités les plus importantes.
M. Zea doit convenir que les prétentions de don
Carlos ne sont pas seulement fondees sur celte loi.
Nous avons dit, et nous répétons encoré, qu'elles
trouvaient son appui dans les lois du fuero juzgo, et
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(.6)
dansla succession non inlerrompue des males, sanctionne'e par les dispositions de la nation re'unie en
cortés. M. Ze'a dit : « Nous avons demontre' jusqu a
« 1'eVidence la plus incontestable, que de temps ira« memorial la loi de succession au troné y a appele'
« les femines á defaut d'enfans males du roi retí gnant. » Toute cette phrase est vraie, á l'exception
des deux mots derniers, qui sont de'nue's de toutc
ve'rite' et contraires aux faits. Les femmes ont succédé au troné á defaut absolu d'enfans males de la
race royale, et non pas seulemcnt, comme ditM. Ze'a,
á defaut d'enfans males du roi ré"gnant. Nous l'avons
demontre' jusquá 1 evidence, en suivant la marche
de M. Zea, mais en d<ícouvrant en méme temps tout
ce qu'il a eu soin de dc'guiser. La loi de 1713 n'ayant
aucune valeur pour M. Ze'a , parce qu'elle n'est pas
favorable á ses pre'tentions, i! nous raconte l'histoire des cortés, de 1789.
Nousallonsfaireconnaítre oüae'te' forge'el'horrible
guerre civile qui desolé aujourd'hui l'Espagne. S'il est
vrai ce que M. Ze'a dit, que les cortés de 1789 furent
convoque'es conforme'meníaux usages e'tablis, lespouvoirs accorde's aux de'pute's pour la reconnaissance
des princes des Asturies, dont la dignite' tire son
origine des cortés re'unies á Palencia en i388, devaient étre conformes á ce qui fut e'tabli par les
cortés de Toledo de i56o, et qui a éte' observe' invariablement jusqu a nos jours. Depuis cette e'poque-Ja
jusqu á Charles IV, tous les princes ont e'tc reconnus
(=7)
de la mérae maniere. Les pouvoirs des de'putés ne
pouvaient servir pourautre objet, etbeaucoup moins
encoré, pour varier et détruire les lois fondamentales. Les de'putés n'avaient done pas représentation
légale pour varier l'ordre de succession. Nous n'entrons pas a examiner si le prince Charles IV fut reconnu comme roi par les mémes cortés. Nous observons dans ees cortes les mémes défauts trouvés
par M. Zea dans celles de 1712, et d'autres beaucoup plus graves, mais avec la seule différence que
M. Zea afíirme ses propositions sans les appuyer
par des pieces authenliques, tandis que nous nous
référons aux faits que M. Zea lui-méme nous marque, et qui ont été publiés, pour prouver ce qu'il
prétend nous démontrer.
Nous vimes en i834 u n pamphlet danslequel on
disait que les actes des corté» de 1789 avaient été
conserves par le greffier du conseil, Escolano; un
autre auteur assura que ce fut le rol Charles IV qui
les conserva en son pouvoir; et un coUégue de M. Ze'a
nous certifie qu'ils se trouvaient dans le ministére de
gráce et de justice. Nous sommes persuades que les
cortés furent convoquées pour reconnaitre le prince
des Asturies uniquement, et par conséquent les députés n'avaient pas faculté légale pour outrepasser
la ligne de leurs pouvoirs. Nous tácheroas cependaut
d'examiner sil s'y agit effectivement, comme on le
dit, de la loi de succession au troné. Les peuples
ignoraient tout: les pouvoirs des députés (procura-
dores) n'étaient pas suffisans pour la cre'ation de
cette nouvelle loi; l'affaire dont il est question ne
ful pas dúment examinee. Ce defaut est précisé'ment
un de ceux que les e'véques observérent dans la loi
de I - I 3 ; et il est, par cela méme, de toute ne'cessité que nous táchions de presenter celte question
avec la ve'rité' que la méme piéce authentique nous
offre. Aussitót lúe la pre'tendue volonte' du roí, le
de'pute' par Burgos profe'ra les deux mots cites par
M. Zea, ct, sans plus de discussion et n'ayant pas
méme accorde le temps necessaire pour que les autres de'pute's exprimassent leur avis sur une afíaire
qui né puuvait que les surprendre, puisqu'ils n'en
avaient e'te' pre'alablement informe's, on annonca que
les cortés s étaient conformées á ce qu'on leur consultait, et on le de'clara ainsi, comme si c'e'tait une
chose decide'e. Voilá ce que M. Ze'a appelle « les
« actes de ce grand de'bat national. » Nous entendons deja les e'clats de rire des personnes qui liront
ce débat d'un silence se'pulcral.
Les e'véques et M. Ze'a, sans qu'ils s'appuient sur
des documens, disent que la loi de 1713 ne fut pas
discutée ni méme examine'e, comme elle aurait dü
l'étre. Nous croyons qu'ils e'crirent ce dont ils se
souvenaient : c'est ce qu'on faisait alors pour formuler le projet de loi de 1789. M. Ze'a assure que le
roí Charles IV re'pondit aux cortés , le 3o octobre
1789, qu'il ferait droit á la demande qui luí était
présentéc, recommandant qu'on observát provisoi-
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(
*>)
remení le secrel le plus profond. Le ministre de
gráce et justice, collégue de M. Zea, certifia, le i "
janvier i833, d'aprés les ordres de la reine MarieChristine, que Charles IV avait réponduaux cortes :
« A cela, je vous réponds que j'ordonnerai aux mem«bres de mon conseil d'expédier la pragmatique
« sanction qui est d'usage dans des cas parcils ,
« ayant ifgard a votre pétition aussi bien qu'aux con« seils que j'aurai pris sur cette affaire.» Cette réponse n'est pas conforme a celle de M. Z¿a. II est
seulement donné aux auteurs de ees contradictions
de les bien comprendre, etils n'ont pas eu l'adresse
de savoirbien barbouiller leurs dcrits,pourleur donner au moins l'apparence nécessaire. II est difficile
de bien distinguer quelle est Vopinión plus rapprocbe'e de la vérité, ou bien si c'est une invention.
II y manqua l'avis du conseil de Castille, qua Von
devait consulter en qualité d'assesseur de Sa Majesté, sur toutes les demandes des cortés ; il y manqua l'avis des grands et du conseil d'Etat, car il s'agissait d'un bouleversement absolu dans Vaffaire la
plus importante de la monarchie; il y manqua la
connaissance qu'on aurait dü. en donner aux villes
et aux électeurs, pour que ceux-ci accordassent aux
procureurs a cortés des pouvoirs conformes aux intéréts nationaux; il y manqua aussi la formalité d'avoir appelé et entendu le second fils de Charles IV,
puisque celui-ci avait le droit que lui avaient accordé
les lois du fuero juzgo, la loi du quatorxiéme siécle
( 3o )
sur la succession, la loi de Philippe V, qu'on y conside'rait comme existante et qu'on voulait annuler,
et celles de la couronne d'Arragon, qui n'admet en
aucune maniere l'avénement des femmes au troné.
Le frére de Ferdinand VII ne pouvait étre le'galement dépouillé de tous ses droits, qui s'appuyaient
sur la plus grande parlie des lois nationales conservatrices et faites par les cortes, qui toutes se trouvent consignées dans la Novissima recopilación,
tit. 4, lib. 3. On n'a jamáis condamné personne sans
l'avoir écouté : dans cette affaire, on se pre'cipila
aveuglémcnt jusqu'á ce que les bommes de la révolution obtinrent le bouleversement de la patrie, réduisirent au néant les lois les plus respectables et les
plus anciennes de la nation, et promenérentle braridon de la discorde d'un bout a l'autre jusqu'á l'anéantissement du pays. On avait fait croire qu'on
allait mettre en vigueur la loi de partida ; mais quoique M. Ze'a n'ait pas voulu entrer en explicalion sur
le contenu de cette loi, il faut que nous parlions des
conse'quences qu'elle a produites depuis qu'elle a e'té
faite. Les sept partidas furent re'digées du temps
d'Alonso X, et elles furent circulées sans l'autorisalion de personne ; Alonso lui-méme agiten sens divers, puisque, comme nous l'avons deja prouve', il
placa sur le troné la ligne cadelte. Isabelle , sceuv
dEnrique IP', monta au troné en de'pouillant de
ses droits Juana, filie de celui-la. Isabelle, dont la
sagesse est si vantée, rióla ees mémes partidas. Ces
(3,
)
lois, d'aprés l'Académie royale espagnole , quand
elle s'occupait des matiéres de le'gislation et quand
on ne révait pas méme sur les lois de succession ,
n'ont e'té, pendant plus d'un siécle, d'aucune valeur,
et, aprés i348, n'ont e'le' que lois supple'mentaires
pour les procés, tant civils que criminéis, á de'faul.
des íois. La premiere loi, .del ordenamiento de Alcala, dit, « puisqu'elles n'ont e'te'jusqu'ici publie'es
« par ordre du roí, ni méme recues comme lois forte melles.» La méme chosea e'te' diteparFerdinandV,
e'poux d'Isabelle, et par sáfale, en i5o5, lors de la
promulgation des lois des cortes de Toro. C'e'taient
done deux femmes et l'e'poux d'une aatre qui proscrivaient les lois des partidas. La premiere personne
qui viola cette loi fut Isabelle, la méme qui fonda le
droit des femmes á la succession a la couronne.
Alonso X ordonna, le 17 avril iaS/j., que les procés
fussent faits conforme'ment aujucro juzgo et pas par
les partidas ; ce qui fut confirmé par son fils , Sancho IV, le 8 mai 1282 et le 6 mars 1290. Les cortés
de Valladolid, en 1293, dans la neuvieme pétition,
demandérent qu'on fit les procés conformément au
fuero juzgo, á l'exclusion de toute autre législation;
ce qui leur fut accordé. Philippe II ratifia ce qui
avait été dit dans la premiere loi del ordenamiento
de Alcalá, sur les partidas, de méme que ce qu'en
avaient dit Ferdinand V et sa filie, dans les lois de
Toi'o, et plaga la loi dans la nouvelle recopilación,
qui est la troisiéme du titre 1" du livre 2C. Le con-
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(3a)
seil de Castille declara, en 1717 et 1781, qu'on devait juger les procés par les lois du fuero juzgo et
non pas par les partidas. La raéme résolution fut
prise par Charles I I I , le i 5 juillet 1788. Nous suivrons encoré M. Zea. Charles IVre'pondit que, conformément aux avis qu'il demanderait, il ordonnerait aux membres de son conseil d'expe'dier la pragmatique sanction d'usage.
Le souverain nous laissa consigne'e sa decisión
dans le díferet du 2 juin i 8 o 5 , quí se trouve á la
tete de la JSovissima recopilación. II dit dans ce de'cret, qu'ayant été visité plusieurs fois et par son
ordre tous les archives, secrétairerics et bureaux du
gouvernement depuis IJ^5 jusqu'en 1802 (entre ees
deux dates existe l'annee 1789), il avait ordonné que
tous les projets qui seraient trouvés sur la législation faite dans cet espace de cinquante-sept ans,
fussent examines avec attention. Sa Majeste' choísis
sait les lois qui devaient étre placees dans la JSovissima recopilación, et celles propose'es qui devajent
avoir forcé et sanction. Sa Majeste' ordonna aux
membres de son conseil de placer dans le livre troisieme, tilre premier, la cinquiéme loi, qui est celíe
relative á la succession du tróne, publie'e par Philippe V. Il fit encoré plus. Charles IV dc'clara dans
le méme de'cret, que les lois des sept partidas étaient
les dernieres ou du neuvieme ordre, et auront ejfet
de servir pour les proces civils et criminéis, et il ordonna de placer dans la JSovissima recopilación,
(33)
comme nous l'avons deja indique, la loi qui établissait ladite decisión depuis cinq siécles. Charles IV
suivit l'exemple de Alonso X, Alphonso XI, Fernando V, Juana sa filie , elPhilippe I I , ordonnant
qu'on plac,át dans la Novissima recopilación, la loi
qui refusait loute autorité aux partidas. Cela fut exécuté ainsi, et c'est la troisiéme loi, titre deuxiéme ,
livre troisiéme. II est done hors de doute que la loi
de partida na été jamáis en vigueur. Voilá ce que
Charles IV ordonna aux membres de son conseil.
Voila le droit qu'il élablit.
11 est done prouvé authentiquement et non pas
par des inductions gratuites, que Charles IV, satis
perdre de vue la pétition qui lui fut faite par les
cortes de 1789 (pétition qui existait dans le ministere, selon que la assuré un collegue de M. Zea, et
sur laquelle Sa Majesté avait offert de prendre une
résolution), prit en effet celle-ci, en préférant la loi
dePhilippeV a ladite pétition de 1789. Nous connaissonsles ornemens dont on s'est serví p.our masquer cette pétition; mais nous laisserons de cote'
tout ce qui n a pas une relation directe avec la question que nous défendons.Nous ponrrions nous permettre aussi de diré aM. Zea que les cortés de 1789
prétendirent, selon V opinión genérale, qu'on n'imposa point des contributions sans leur assentiment
et intervention; que les cortés devaient étre convoquées périodiquement, et bien d'autres choses.
C'est par cette raison qu'on luissa de percevoir une
3
( 34 )
nouvelle contribution qu'on voulait imposer alors,
Nous ne comprenons pas comment M. Zea peut
assurer que la loi de 1789, fut « solennellement pro« mulgue'e dans les Etats de la méme anne'e; » car,
d'aprés la re'ponse que M. Ze'a lui-méme suppose
avoir été donnáe par Charles IV, et d'aprés celle
indiquée aussi par un de ses collégues dans le ministére, nous tirons un rosultat tout á l'ait oppose'.
Cest bien facile de donner comme fait tout ce qui
peut nous étre utile.
M. Zea se voit forcé' á ce'der á tant de documens
authentiques, le'gaux, nationaux et d'une persuasión
irresistible. II Jui faut avouer que Charles IV ne
sanctionna jamáis ce qui luí fut demande par les
cortés de 1789, mais bien au contraire, qu'il confirma la loi de Philippe V.
Le serment qu'on exigea des depute's en 1789,
pour qu'ils laissassent ignorer aux villes tout ce qui
se faisait, menacant ainsi la súrete' des personnes et
des inte'réts qui peut élre gravement compromis par
une loi de succession, est un contre-principe de
toute le'gislation, et beaucoup plus en Espagne, oü
les de'pute's (procuradores) sont obligés de rendre
compte á leurs commettans de tous les projets et des
re'solutions des cortés. Les lois faites par le moyen
desermens secrets, comme sil s'agissait d'une conspiration contre la sürete' de l'Etat et contre l'existence
du gouvernement, ne peuvent jamáis avoir aucune
valeur dans des pays civilise's. Monument, comme
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(35)
ceux-ci, d'arbilraire et d'injustice, produit toujours les fruits abondans de la désolation causee par
la mesure assermentée de 1789.
Nous ferons encoré a M. Zea une petite observation. Les députés a cortes ne pouvaient étre employés du gouvernement, ni accepter aucun emploi, distinction, ni traitement, non seulement pour
cux, mais pas mime pour leursfemmes, pourleurs
enfans ou pour leurs parens. Cette disposilion a
e"té arréle'e dans des diferentes cortés, et surtout
dans celles de Medina del Campo, avec commination de peines trés-sévéres contre les contreventeurs et déclaration de nullité des propositions, et
pétitions faites au roi par les cortés. Charles V et
Juana, sa mere, Vavaient ordonné aussi dans les
cortés de la Coruna de 1S20; et la méme chose a
cté de'clarée dans plusieurs autres. Les députés qu»
furent présens a la reconnaissance de Ferdinand VII
en 1789, furent tous grades, tous obtinrent des
places, des décorations et des titres, et nous en
avons connu plusieurs d'entre eux. D'aprés les mesures que nous venons de citer, quoique CharlesVI
eüt adhéré a la pétition des cortés, cette loi serait
nulle par la circonstance remarquable deja énoncée.
Combien d'autres nullités setrouvent dans cette loi,
qui a mondé* de larmes la malheureuse Espagne!
II resulte de tout ce que nous venons d'exp'oser,
que Ferdinand VII ne put rien ordonner le 9 mars
183o, quand il ordonna qu'onobéit a la loi que son
( 36)
pére avait e'tablie. Cette loi n'existant pas, elle ne
pouvait point étre obéíe. Ferdínand VII eut une filie
de sa seconde femme, la reine Isabelle, et ni pendant sa grossesse ni méme aprés ses couches, Ferdinand ne pensa a Ja loi de 1789, qui e'tait garde'e ;
et le méme silence fut observe' á l'occasion de la
seconde grossesse de Ja reine Isabelle, et quand
Ferdínand se remaría pour Ja troisiérne fois. Les
trois premieres femmes de Ferdinand VII et ses
filies etaient sans doute d'une condition bien diverse que Ja quatriéme, puisqu'il ne voulut point
Jeur accorder Je privile'ge d'une pre'rogalive aussi
essentieJle. Qui pourra nous donner Je mot de cette
e'nigme? M. Ze'a uniquement.
L'ordonnance de Ferdinand VII, en i83o, fut un
aírete de re'volution, puisque la oíxiln'y a pas deloi
il ne peut y avoir de promulgation. M. Zea s'appuie
sur Je silence du roi don Carlos. Plüt a Dieu que ce
prince n'eüt pas porte' si loin sa de'licalesse! Ií
e'pura son honneur et exprima ses sentimens en
donnant despreuves d'une conscience la plus puré,
quand il se proposa de ne pas contrarier son frére
pendant qu'il vivrait. Ce fut pour luí un devoir. Ses
conseillers, qui occupaient des places bien éJevées,
mais sans avoir une connaissance parfaite de la marche des affaires, Jui conseiUérent avec bienpeud'intelligence. Nous sommes persuade's qu'il auraitmieux
fait en manifestar]t son opposition quand la reine,
e'pouse de Ferdinand, s'empara du gouvernement,
(37)
le 6 octobre i832, á la suite de l'incapacite' pnysique et morale de celui-ci, car alors toute l'armée se
serait prononcde pour le prince, aussi bien que pendant radministration de M. Zea, quimieux que personne se trouve dans le cas d'avouer sa terreur et la
peur qui plusieurs fois le faisait he'siter sur les mesures a prendre pour la continuation de son regne.
Mais le frére de Ferdinand ¿lait libre de garder
le silence ou de protester, ainsi que de faire la réclamation de sesdroits quandbon lui semblerait.M.Zea
se plaint de ce que don Carlos, alors infant, garda le
silence a l'occasion des mouvemens royalistes qui eurent lieu depuis i824> M. Encima Piedra, collégue
de M. Zea, dans un ouvrage publié a París en i836,
pour relever son administradon, dit « que si ce
« n'eút été pour l'honneur et pour la délicatesse de
« l'infant don Carlos, la re'bellion contre Ferdinand
« aurait eu lieu á Saint-Ildephonse (la Granja),
« en 1832. » Voilá l'histoire des causes mauvaises.
Ce qui est annoncé par l'un de ses partisans est contredit par l'autre; mais qu'aurait pu diré don Carlos?
Bessiéres sortit du cabinet du roi Ferdinand Vllavec
l'autorisation autographe de celui-ci pour proce'der a
l'exe'cution de l'émeute qu'il dirigea, et cette méme
autorisation fut remise par le méme Bessiéres, peu
avant d'étre fusillé, pour qu'il la donnát a Ferdinand, a un general qui est encoré vivant, et de qui
le roi la re^ut en pleurant. Ceci est un fait bien
connu de M. Zea, alors ministre. Carnicer offrit de
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(38)
faire connáitre tous les agens de 1 e'meutc de Catalogue de 1827, et de remetlre tous les ordres quí
avaient été communiqués au chef Cheps des Esfans, et la liste des personnes qui leur avaient envoyé de l'argent. Nous lümes alors le Me'moire presente' par Carnicer, dans Iequel il demandait qu'011
lui épargnát la vie en compensation de ce service. Le
ministre refusa ouvertement de recevoir le Me'moire.
Carnicer et Cheps furent fusillé's saris avoir e'te' entendus. Le dernier fut trahi et conduit en Espagne
par la trahison de M. Mirasol, alors oíTicier de la
garde. Done, si le frére du roi n'ignorait pas que
cette émeute ¿tait dirige'e par le gouvernement et
ses ministres, il ne devait en ríen diré; il était du
reste inutile de parler quand il n'y avait plus dans la
presse espagnole de liberte' que le despotisme de
M. Zea.
Nous nous abstiendrons autant que possible de
parler du roi Ferdinand, et nous le ferons seulement forcés par les circonstances. M. Ze'a dit que la
de'claration faite par Ferdinand en i83o est en opposition avec la protestation qu'il contresigna en
septembre i832, quand il e'tait gravement malade.
Mais Ferdinand, avant de perdre l'usage des sens,
ecoutant la roix de sa conscience, frappa de nullite'
Je de'cret de i83o. Cette de'claration fut l'effet de sa
convicticn, et pourtant libre : la peur n'y fut pour
ríen, car personne ne pouvait lui en imposer. La
maladie suivit son cours, elle empira, il perdit l'u-
(39)
sage de ses sens, et malgré un retour salutaire, ses
facultes restérent toujours ane'anlies. Dans cette circonstance, la reine prit les renes de l'Etat, assembla un conseil dont les membres en ignoraient le
but, et on fit lire au roí un discours dans lequel il
rétractait ce qu'il avait ordonné en septembre dernier par un sentiment consciencieux. M. Ze'a ajoute
que leroidut, en septembre i832, s'occuper del'éternité, et nous y ajouterons qu'il le fit effeclivement,
car il obtempera a sa conscience et á son devoir.
L'é'tat de faiblesse morale oü Ferdinand se Irouvait
Ie3i décembre i832, lors de cette seconde re'tractation, était tellementnotoire, que Marie-Christine, sa
femme, avait pris les renes de l'Etat. C'est á cet acte
fait dans un pareil etat et á un document lu au nom
du roi, que M. Ze'a fait un appel pour prouver les
droits au troné de la petite Isabelle , et pour la
faire reconnaitre comme he'ritiére au troné par les
de'pute's de la nation re'unis en cortés, le 22
juin 1833.
Lesnullités de cette cérémonie frappentévidemment
tous les esprits. M. Ze'a ne doit pas ignorer qu'avant
la réduction des voix qui devaient concourir aux
cortés, on sanctionna une loi électorale. Les cortés,
a dater de celles céle'brées á Madrid en 1419,7 soutinrent cette loi. Dans la troisiéme pe'tition des cortés de Burgos, de i435, fut définitivement sanctionnée cette méme loi, qui a éte' observée jusqu'á nos
jours. La torme constitutive des municipalités ne
(4o)
pouvait étre alte're'e sans le secours des cortés et sans
leur demande. M. Ze'a, qui tout en faisant, selon
son plaisir, la chronologie des faits, a donné' tant
d'importance aux cortés ge'néVales, ne pourrait pas
moins avouer que la base la plus essentielle de la
représentation nationale était et devait étre la loi
e'lectorale, et qu'une fois e'tablic a pétition des cortés
et avec la sanction du roí, les ministres ne pouvaient
absolument la changer ou la varier á leurs gré* et
caprice, et que toute contravention est et doit étre
une nullité qui détruit Jes actes successifs. Voici un
des traits les plus marquans du despotisme de
M. Ze'a et de ses collégues : pour appeler les de'put¿s aux cortés de i833, ils passérent outre sur la
loi e'lectorale, chassérent des municipalités les
membres qui avaient été e'lus d'aprés cette méme
loi; et confectionnanteux-mémes un réglement nouveau, ils nommérent aux municipalite's , et par conse'quent aux cortés, des hommes remplis de nullite'.
Nous avons dit que, d'aprés la loi, Jes procureurs á
cortés ne pouvaient étre employé's du gouvernement, ni recevoir de lui aucune espéce de mandat.
Dans les cortés de i833, une grande partie des procuradores de'pendaient du gouvernement, et ceux~ci,
ainsi que les autres membres, furent re'compense's
avec des emplois, honneurs et distinctions. C'est en
marchant de nullite' en nullite' qu'on est arrivé á la
guerre civile. Ríen de tout ce qui est fait arbitrairement ne peut étre d'une dure'e Jongue et le'galc
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M. Zea sait que pour changer la forme des ¿lechona
ilfaut reunir les cortés, et il sait aussi bien quenous
que les municipalités constituées en 1832n'e'taient pas
favorables a ses idees. Dans ce cas,le seulpartí auquel
il eut recours fut la violation des principes et Vexercice d'un pouvoir arbitraire qui e'clata d'une maniere bien despotique, aussitot que les intentions du
frere du roi furent connues. Ce prince vertueux, par
une grande délicatesse, prit á tache de se renfermer
dans un profond silence pendant la vie du roi son
frére.
Reconnaitre n'est pas de'clai'er le droit. M. Zea
nous a dit que « les filies du roi catbolique furent
« reconnues; mais aussitot qu'elles eurent un frére,
« cette reconnaissance portait sur ce dernier, et le
« droit lui appartenait.» Si les cortés de 1833 n'eussent pas e'té remplies de nullités, comme nous l'avons deja demontre, elles auraient fini de perdre sa
validité par les emplois et par les gráces que le gouvernement prodigua á tous les procuradores. 11 re'compensa les uns parce qu'ils e'taient vendus ou appartenaient a la révolution, et les autres parce qu'ils
approuvérent sa conduite par leur peur et leur silence criminel, sans réfle'chir sur les maux et les
desastres qu'ils allaientrépandre sur leur patrie. D'ici
il re'sulte que cette reconnaissance ille'gale, méme
jusque dans ses formes atterrantes, a été tout a fait
ane'anlie. Dans tous les cas, nous croyons que la
reconjiaissance est inutile la oü il n'existe aucun
(42
)
droit. Cet amas de nullite's a fait tomber sur la
mére-patrie autant de malheurs qu'elle en e'prouve.
M. Ze'a trouve un appui dans le bannissement
qu'on ¡mposa sur le pre'sident du conseil Ronquillo,
pour prouver la nullíte' de la loi de Philippe V.
M..Ze'a et ses coligues exilérent l'archevéque de
Toledo, parce qu'il se refusa, en i833, á reconnaítre la filie de Ferdinand VII. M. Ze'a et ses
collégues expédiérent auparavant des ordres aux
¿vaques pour qu'ils conseíllassent aux paroissíeus et
aux chrétiens que leur devoir élail de reconnaitre la
filie de Ferdinand VII. On appela á Madrid les
¿vaques timides, qui obe'irent á cet ordre, mais on
laissa dans leurs diocéses ceux qui se refusérent aux
desirs du gouvernement. Les mesures atterrantes
qu'on prít depuis que la reine s'empara de la direction des affaires, le 6 octobre i832, e'taient de
soi-méme plus que suffisantes pour annuler tous
lesactes successifs. Les personnes qui avaient donné
au roi Ferdinand des preuves incontestables de fidélité', furent de'pouille'es en fort peu de jours des
places e'minentes qu'elles occupaient, et on appela
pour les remplacer les proscrits, ceux mérae qui
avaient de'tróne' le roi et qui 1 avaient insulte' et attente' contre sa personne royale. On priva peu aprés
de leurs places les ernploye's de second ordre ;
M. Ze'a eut le plaisir de s'entourer de tous les hommes de la re'volution, et d'ecouter leurs conseils pour de'fendre la filie du roi. Impre'voyance
(43)
fatale, qui le chassa de sa place, et qui de'truisit
tous ses projets ambitieux. Personne n'eut la liberté d'e'mettre son opinión, quand on reconnut
la filie de Ferdinand; la cérémonie de la reconnaissanceressemblaitplutót aunenterrementqu'aun acte
de joie. On rédigea dans une église cet acte, auquel
on donna le nom de cortes; on y interrogeait a
demi-voix les concourans l'un apres l'autre, s'ils
voulaient jurer, etils re'pondaient aussi á demi-voix,
ce qui donna lieu a e'crire que tous les membres
s'y étaient conformes, malgré qu'il y en eüt quelques-uns d'entre eux qui répondirent négativement.
M. Ze'a van te beaucoup la forcé légale de la représentation nationale, mais il ne le fait qu'a moitié;
car si ses cortés méritent autant sa consideraron,
il paraissait juste qu'il eüt la mime de'férence pour
la filie de Ferdinand VII, quand il proclama le gouvernement absolu éclairé. II était bien loin de penser
alors qu'il serait forcé plus tard a chercher sa dé-^
fense dans le$ principes du gouternement monarchique moderé, c'est-á-dire le gouvernement espagnol avec son roi et les cortés. Celles-ci sont les
lois fundamentales de la monarchie espagnole.
L'histoire de la succession que nous venons d'expliquer, pour l'unir a celle de M. Zea, prouve que
les femmes ne sont montees sur le troné pendant
qualorze siécles qu'á défaut absolu d'enfans males
de sang royal. La filie du roi Ferdinand a plusieurs
onclcs et cousips-germains qui sont appelés au troné
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(44)
avant elle par cette raéme loi de qualorze siécles, et
par leurs droits d'ainesse.
La mere de Charles II nous a le'gué des souvenirs
bien tristes de la minorite' de son fils le roí, qui
confia le sort de sa nation, premiérement au Flarnand Nitando, et plus tard au marquís de VillaSierra, et on profita d'une e'meute qu'i! y eut á la
cour pour e'viter la continuité des desordres du premier, aussi bien qu'on eut recours aux armes pour
mettre un terme a ceux du second, ótant la direction du gouvernement a la reine gouvernante. Don
Juan d'Austria, á Ja tete d'une arme'e, tranquillisa
Talarme qui inquieta la nation depuis 1668 jusqu'en
1679, et il consigna les renes du gouvernement au
monarque; mais a peine eut-il pris le gouvernement des affaires, qu'il fut forcé d'exiler á Toledo
sa mere, la reine gouvernante.
Nous ne serons pas étonne's si l'Europe se trouve
force'e de prendre une mesure semblable dans les
circonstances actuélles, car elle ne doit pas consentir un gouvernement sans légitimité, sans consistance, qui est ennemi de l'ordre, et oü les assassinats se multiplient avec impunite'. M. Ze'a envoya
a toutes les cours de l'Europe et á la nation, aprés
la mort de Ferdinand, un manifesté dans lequel il
disait que la minorite' d'Isabelle e'tait un de'pót confie'
par le roí á sa veuve, et que celle-ci promettait de
le maintcnir sain et sauf, e'lant de'cide'e á gouverner
sur les mémes bases e'tablies par Ferdinand VIL
( 45 )
M. Zea assura aussi qu'on ne ferait aucun changement, parce que telle était la volonté du feu roi, la
reine n'étant qu'une simple administratrice sans
aucune autre mission. La reine gouvernante, malgré
cette prcmesse faite á l'Espagne et a toute l'Europe,
oubliant les ordres de sou inari , et aussi les dispositions des lois nationales sur les tutelles et minorités,
promulga etsanctionna desapropre autorüé* ungouvernement tout a fait diffi'rent, qui detruisit toutes
les formes constitutives du gouvernement espagnol.
Elle publia une loi qu'on nomina estatuto, établissant deux chambres. II faut bien noter que la reine ,
d'aprés les dispositions des cortés successivement
sanctionné'es, ne pouvait exercer lé*galement ses
fonctions sans convoquer préalablement les cortés ,
et y préter le serment de mettre á exécution tout ce
qui est e'tabli pour des cas pareils. Nous n'ignorons
pas qu'en fait de nullite's et de destruction des principes , les ministres de la reine gouvernante , veuve
de Ferdinand VII, ont e'té plus vite qu'aucun autre
gouverneur ou régent. Quelque temps aprés la cre'ation du gouvernement des deux chambres, l'estatuto
fut aboli, et on re'tablit la Constitulion de 1812, forge'e á Cadix. On préta serment pour la troisiéme fois
a cette Constitution, qui reconnaissait uniquement
une seule Chambre élue par tous ceux qui eurent atteint l'áge de vingt-cinq ans; et peu contente encoré
de celle-ci, la reine douairiére l'annula pour la troisiéme fois, et elle sanctionna une autre Conslitution
(46)
qui établissait deux Chambres en forme de re'publique et en opposition de l'estatuto. Le dépót sacre
confié par Ferdinand Vil á sa veuve disparut, et
se succédérent alternativement les bouleversemens
de désorganisation, de violence, d'anéantissement
et de sang qui ravagent encoré l'Espagne.
Chaqué extreme de ceux que renferme le Mémoire
presenté, nous offre des anomalies bien singuliéres.
M. Zea s'est présente á la cour de Berlín en qualité
de représentant du gouvernement de Madrid, qui
défend et soutient la Constitution formée en i83y;
mais il y a dans tout cela une circonStance bien remarquable, et c'est que M. Zea n'a jamáis reconnu
ni prété serment á cette Constitution. Dans cette
fausse position, les representes professent et proclament des principes de liberté, tandis que leur
agent, défenseur ou plenipotentiaire diplomatique ,
est opposé á ees mémes principes, et ayant entré en
campagne politique avec l'opinion de défenseur ouiré du despotisme. Il serait bien peu naturel qu'on
teniát de faire revivre un gouvernement deja mort et
enseveli, quand le but de la mission donnée a été
de consolider les libertes sanctionnées en i83y.
Nous nous trouvons dans le méme cas á l'égard de
la réclamation des trois árdeles successionels de la
Constitution de 18x2, qui fut jurée par un ordre expédié á la Granja en 1836. M. Zea n'a pas plusjuré nireeonnu cette constitution; il était son ennemi; il la regardait avec frayeur; il ne se soumit jamáis á son gou-
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(47 )
vernement: et il pre'tend aprésent, malgré toutcela,
qu'elle vient servir d'appui a la succession, et par la
seule raison que les articles de cette Constilulion ,
quoique trois fois abolís, sont tres - útiles pour sa
de'fense. Voici une nouvelle me'thode de défense.
M. Zea ne veul pas du tout pour luí cette Constitution; mais nonobslant cela, il Taime et il l'adore,
pour qu'on juge et on condamne d'aprés elle se»
ennemis, qui doivent s'y soumettre, mais non pas
luí. Les faits se trouvent en contradiction avec les
principes; les opinions des representes choquent,
comme des corps opposés, avec celles de leur agent
ou procureur. On reclame, comme la base fixe sur
laquelle s'appuie la défense successionale féminine,
les anciens comicios nationaux, tandís que le gouvernement de'fenseur de cette cause condamne .et
lance des anathémes contre ees mémes comicios, lesquels se trouvent outre cela en opposition avec le
despotisme éclairé du défenseur et les Constitutions
des défendus, Oü nous ménera done ce chaos de
contradictions? II y a une solution pour tout ce que
nous venons de démontrer, c'est en employant tous
les moyens opportuns qui conduisent de quelque
maniere a leur but, pourvu qu'ils soient un peu favorables. Les principes proclames par M. Zea, sa résistance obstinée á ne pas vouloir jurer les Constitulions de i836et i83y nous ótent toute hésitation,
en nous démontrant que parmi les partis bellige'rans
et prétendans, celui qui défend la ligne masculine
( 48)
est le seul qui conserve ses limites, l'aversion, la
rage n'est positivement contre la cause successionale mále; mais elles sont plutót personnelles. Ces
gens ont conside're' comme un étre imaginaire les
principes ge'ne'raux de la sociéte'.
M. Zea dit que son opinión e'tait la mime que
celle de toutc la nation. Le soulévement en faveur
de Charles V, qui delata dans toutes les provinces
espagnoles á la mort de Ferdinand, et qui fiit ope're'
par des gens collective's sans armes, sans munitions,
sans discipline, sans ressources et sans combinaisons d'aucun genre, a bien prouve' quelle é*tait la volonté nationale, et avec autant de precisión qu'il faut
faire violence á la raison pour croire le contraire.
Tous les soulévemens liberaux opéreos depuis 1824
jusqu'á 1832 trouvérent leur fin dans leur existence;
Tarifa, Guardamar, les champs de Morón, Cadix et
l'ile de Le'on peuvent l'attester aussi bien que les
champs de la Navarre, oú Mina írouva une perse'cution continuelle. Les paysans ont battu presque toujours les factieux, sans attendre l'arrive'e des troupes
de ligne, et les partisans de Charles V ont e'te' accueillis avec enthousiasme dans les villes, toutes les
fois qu'ils j ont demande' asile et protection. Des
provisions et des espions ue leur ont jamáis manque, selon que nous l'avons TU certifie dans tous
les rapports des ge'ne'raux et chefs des troupes christines. Le gene'ral Rodil a re'pe'te' plusieurs fois qu'il
payait bien cher ses espipns, sans qu'ils lui appor-
(49)
tassent jamáis des renseigneroens exacts, et qu'il
rencontra toujours les villages peu disposes a luí
fournir des renseignemens. Comment le ge'néral
Gómez aurait-il pu sans cela parcourir toute l'Espagne, a la tete d'une poignée d'hommes, quand il
¿taít poursuivi par des forces six fois doubles ?
II est done bien prouvé que M. Zea a ete" induit
en erreur. Les Hbe'raux annon9aient, en 1814 , que
la Constitution de Cadix clail la volontd formellc de
Ja nation; et quand Ferdinand rentra en Espagne,
les habitans des villages tirérent des coups de fusil
rontre les pierres qu'on avait placees dans les places
qu'on appelait plazo de la Constitución. L'e'lan du
peuple dut étre bien manifesté en i83y, quand
Charles V s'approcha de Madrid, puisqu'Oraa fit
fusiller diverses personnes pour la proclamation
qu'elles avaient faite, et nous avons lu dans les journaux la copie du rapport de ce fait.
1/opinión nationale n'est pas plus favorable aujourd'hui aux de'sirs de M. Ze'a; et M. San Miguel,
qui est plus exalte' que lui dans ses opinions, a dit
dans une brochure derniérement imprime'e, que les
neuf- dixiémes parties des Espagnols s'opposaient
aux prétentions au troné d'Espagne de la filie de
Ferdinand, tandis qu'elles e'taient favorables a celle
du frére de celui-ci. Elles de'sirent sans doute la
paix, mais non pas le gouvernement d'Isabelle.
Et MM. Ze'a, San Miguel, Oraa s'entendront comme
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(5o)
íls voudront. En resume', la couronne d'Espagne a
éte' élective dans les premiers temps entre les enfans males, et elle füt conside'rée plus tard comme
he'ritiére parmi les males de la famille royale. Les
femmes parvinrent au troné a de'faut seulement
d'enfans males; et dans les deux e'poques, dans
lesquelles les rois ont laissé á leur mort des filies reconnues comme he'ritiéres, les enfans males ont
cte preTérés á celles-ci quand elles ont voulu monter
sur le tróne. Enrique II, frére bátard du roi don
Pedro, fut pre'féré a Constanza, filie de celui-ci, et
á ses deux soeurs, quoiquc Constanza était reconnue
comme he'ritiére. ^Alonso, frére d'Enrique IV, íut
reconnu par celui-ci avec pre'fe'rence á sa filie, quoiqu'on avait octroyé en sa faveur le serment formulaire de princesse des Asturies.
II reste done bien prouvé que les femmes, filies
des rois n'ont jamáis oceupé le tróne pendant l'existence d'enfans males des rois. Nous trouvons tout
cela confirme dans l'ordre de succession commence
par M. Ze'a, que nous avons continué' et illustre'.
C'est en pre'sence de cet expose' que nous faisons un
appel aux hommes de toutes les nations et de toutes
les opinions pour qu'ils décident ce de'bat. Leur
opinión unánime sera, nous nous flattons, que le
droit de succession est favorable aux males et touta-fait contraire aux pretentions des femmes.
Nous, qui sous aucun rapport, ne voulons pas
étre escláves, mais bien des enfans reconnaissans a
notre mere-patrie, nous sommes de'cide's a luí offrir
ce Iravail imparfait.
Madrid, 3o mai i83g.
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